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La taxe Caïman ne peut s’appliquer en présence d’une CPDI

Par Walid Jaafari, publié le 21/08/2025 à 01h10


 

Une circulaire administrative critiquée dès le départ

 

Dans mon article publié en réaction à la circulaire de l’administration fiscale du 11 décembre 2024, je critiquais déjà l’application de la taxe Caïman en présence d’une CPDI en ce que ce texte venait formaliser une violation manifeste du droit international.

 

Pour rappel, cette circulaire affirme que l’imposition par transparence, en application de la taxe dite « Caïman », des bénéfices perçus par certaines structures étrangères dans le chef de leur fondateur belge reste possible, même lorsque ces revenus sont visés par une convention préventive de double imposition (CPDI). Pour ce faire, le fisc s’appuie sur la disposition balai prévue à l’article 20 des CPDI.

 

Fort heureusement, le 7 février 2025, le tribunal de première instance de Louvain a rejeté cette position administrative. Il a confirmé que la taxe Caïman ne peut s’appliquer lorsque les revenus en cause sont couverts par une CPDI qui attribue à un autre État le pouvoir exclusif d’imposition.

 

 

Une position administrative qui fait fi de la primauté du droit international

 

 

La circulaire administrative affirmait que la transparence fiscale ne violait pas les CPDI, puisqu’elle ne provoquait, selon elle, qu’une double imposition économique.

 

L’argument était simple : puisque la société étrangère et le contribuable belge sont deux personnes distinctes, l’imposition par transparence des revenus de la société dans le chef du fondateur ne serait pas couverte par la convention, qui ne concernerait que la double imposition juridique.

 

Cette justification est fallacieuse puisque les conventions ne se contentent pas d’éviter les chevauchements d’imposition sur une même personne : elles organisent la répartition du pouvoir d’imposition entre États.

 

Je soulignais déjà dans mon article qu’une telle lecture revenait à contourner l’article 7.1 des CPDI, qui réserve aux États de résidence des sociétés le pouvoir d’imposer leurs bénéfices.

 

En prétendant taxer ces mêmes revenus indirectement, dans le chef d’un autre contribuable, le fisc s’arroge un pouvoir d’imposition que la convention ne lui reconnaît pas. Une telle approche heurte la hiérarchie des normes, le principe de légalité de l’impôt et compromet la sécurité juridique des contribuables.

 

C’est en sens que le tribunal de première instance de Louvain a jugé.

 

 

Un jugement qui rétablit la hiérarchie des normes et la sécurité juridique

 

 

Le tribunal de Louvain rappelle que le droit interne, même habillé de transparence, doit s’effacer devant la primauté des conventions internationales.


Dans l’affaire tranchée le 7 février 2025, les revenus litigieux avaient été perçus par une société étrangère ne disposant d’aucun établissement stable en Belgique.


Le fisc prétendait pourtant les imposer dans le chef du fondateur belge, en application de la taxe Caïman.


Le tribunal a écarté cette position. Il a rappelé que, conformément à l’article 7.1 de la convention applicable, les bénéfices d’une société sont exclusivement imposables dans l’État où elle est établie, sauf s’il existe un établissement stable dans l’autre État, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.


Le tribunal a également rejeté l’argument selon lequel l’article 20 de la CPDI (la clause résiduelle) permettrait une imposition subsidiaire en Belgique. Il a estimé, à juste titre, que cette disposition ne peut s’appliquer qu’aux revenus non autrement traités par la convention.

Or, en l’occurrence, les revenus en cause relevaient déjà de l’article 7.1. Ils échappent donc à la disposition balai.


Enfin, et surtout, le tribunal a affirmé que la taxation par transparence ne peut trouver à s’appliquer que dans le respect des conventions internationales.


En d’autres termes : une norme de droit interne ne peut venir créer un pouvoir d’imposition contraire à celui fixé par un traité international.  La règle conventionnelle prévaut.

 

 

Conclusion

 

Le jugement du tribunal de première instance de Louvain du 7 février 2025 sonne comme un rappel cinglant : le fisc ne peut interpréter la loi en violation des conventions internationales.


Fort heureusement, le juge belge veille au respect de la hiérarchie des normes.


Il faut saluer cette décision qui renforce la sécurité juridique des contribuables.

 

Enfin, ce jugement confirme que la taxation par transparence des revenus d’une société ne peut s’appliquer en présence d’une CPDI qui attribue le pouvoir d’imposition de ces revenus à l’État de résidence de la société étrangère.

 

 

 

 

Walid Jaafari

JAAFARI Legal & Tax
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